Madame Camille avec Paul Bocuse

Souvenirs de Joseph Viola : les mères lyonnaises


Quand on pense à la cuisine, la plupart du temps, nous revoyons nos mères, nos grand-mères, derrière les fourneaux. De même, on revoit tous ces délicieux repas qui nous rassemblent. La magie des conversations et des rires autour des casseroles pleines. C’est alors que les effluves de nos plats préférés remontent dans nos mémoires. C’est cette même atmosphère qui a mené au succès des mères lyonnaises. Et c’est cette même atmosphère que le chef Joseph Viola voue à faire perdurer chaque jour.

Les mères lyonnaises : pionnières de la gastronomie lyonnaise

Leur histoire remonte au XVIII° siècle, lorsque les canuts avaient pour habitude de “mâchonner”. À cette époque, le mâchon était alors un “casse-croûte”, composé de cochonaille et arrosé de beaujolais. Ce dernier était pris par les ouvriers de la soierie aux alentours de 9-10h. C’est le début de la cuisine des soyeux avec de nouvelles traditions. Notamment celle de bien manger et de manger des produits régionaux.

Les premiers bouchons lyonnais sont en réalité directement liés aux femmes. En effet, après avoir servi dans les cuisines bourgeoises, ces cuisinières hors paires décident de partir. Ainsi, elles prennent leur indépendance et s’attèlent dans leurs nouvelles cuisines. Pendant ce temps, leurs maris sont en charge du service et de la cave à vins.

C’est donc avec ce succès des bouchons lyonnais, que ces femmes deviennent les mères de la gastronomie lyonnaise.

Autrefois, elles étaient rarement mises sous les projecteurs. Mais leurs personnalités incroyables et leur perfectionnisme sont désormais connus de tous. Notamment au travers des fameux “bouchons lyonnais” ! Qui n’a jamais vu des photos de ces femmes derrière un comptoir ou des fourneaux ? Toujours entourées de clients abasourdis par leur talent culinaire. Des mets simples certes, mais avec une justesse des goûts sans égal. Elles deviennent également les mentors de futurs grands chefs.

Portrait de mères lyonnaises emblématiques

La première mère lyonnaise que l’histoire a retenue fût la Mère Guy. Cette dernière ouvrit sa guinguette en 1759, à la Mulatière, sur les quais de Saône. Elle était spécialisée dans le brochet et l’anguille. Le lieu est alors propice aux bals musettes. Mais également aux rendez-vous de tous les peintres de l’école Lyonnaise et des artistes de passage.

Mais la plus célèbre des mères lyonnaises et véritable figure de la gastronomie c’est elle : Eugénie Brazier.

Coup de projecteur sur la Mère Brazier, née dans l’Ain, en 1895 et décédée en 1977. Après avoir enchaîné les apprentissages de toutes sortes (fermes, familles bourgeoises, brasserie, etc.) elle ouvre son propre restaurant. Ce dernier se situe rue Royale et ouvre ses portes en 1921. Pur succès de cette table qui devient au fil des ans une véritable institution. Politiques et célébrités souhaitent goûter à ses plats emblématiques.

Huit ans après, son deuxième restaurant prend place au col de la Luère. Par la même occasion, elle prend sous son aile un chef à la futurerenommée internationale : Paul Bocuse. En 1932, elle obtient deux étoiles au Guide Michelin, puis une troisième en 1933 ce qui fait d’elle, la première femme à obtenir une telle distinction.

C’est désormais un des plus proches amis du chef Joseph Viola qui est à la tête de cette magnifique maison : Mathieu Viannay.

Photo de la cheffe Eugénie Brazier
Eugénie Brazier

On pourrait en citer des dizaines d’autres ! Elles avaient toutes un point commun : leur caractère. Dans cette catégorie, la Mère Léa était très connue pour son petit carafon sans pareil. Elle avait pour habitude de faire son marché quai de Saône, avec son diable. Et sur celui-ci, on pouvait y voir une pancarte avec écrit “Attention, faible femme mais forte gueule”.

Photo de la mère Léa Bidaut au marché
La mère Léa Bidaut au marché

L'héritage des mères lyonnaises

Ces femmes sont les pionnières de la gastronomie lyonnaise de bouchon. Elles étaient passionnées de cuisine et défenderesses de la cuisine conviviale. Jusqu’à la fin, elles ont travaillé sans relâche, et ce, malgré les nombreuses difficultés. Le fait est que ces femmes évoluaient dans des mondes masculins : la cuisine et l’entreprenariat.

Ces mères lyonnaises ont su tirer parti des ressources agricoles des alentours : élevages de la Bresse et du Charolais, gibiers et poissons de la Dombes, vin du Beaujolais. Cette volonté de sublimer les produits du terroir est l’apanage même de la bonne cuisine.

Une cuisine pas chère et graisseuse devenue gastronomique et symbole de toute une région, voir d’un pays. Cette cuisine qui a su évoluer et s’adapter au fil des années, se doit d’être mise en avant.

Le challenge de ce siècle est de savoir comment adapter cette cuisine aux exigences de la clientèle de demain, en gardant en tête que tout est dans le produit.

Ce n’est pas parce que la cuisine lyonnaise nous vient des mères lyonnaises qu’elle doit être statique.” 

Joseph Viola

Aussi, à l’occasion de la sortie du Guide Michelin 2020, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes a réalisé un documentaire à ce propos : Un siècle de pionnières, à la table des mères lyonnaises. L’objectif, mettre en avant ces femmes incroyables à la bravoure inédite.

La cuisine de Joseph Viola chez Daniel & Denise

Bercé dans la cuisine de tradition et de partage, le chef Joseph Viola, propose ainsi dans ses établissements, une cuisine canaille conviviale. Organisée autour de plats emblématiques de la région lyonnaise, ils sont composés de produits frais et locaux. La volonté principale étant une économie circulaire et plus de circuits courts entre producteurs et consommateurs. Daniel & Denise propose également un retour aux sources au travers de l’organisation de mâchons typiquement lyonnais.

La cuisine de Joseph Viola est celle que ces femmes pratiquaient : une cuisine de passion à base de produits locaux.

Ces femmes ne sont pas uniquement celles que cet article met en lumières, ce sont aussi des mères, des grands-mères, des soeurs, des filles. C’est pourquoi, en vous rendant chez Daniel & Denise Créqui, vous pourrez observer deux plaques portant le nom de la mère et de la belle-mère du chef Joseph Viola “des femmes exceptionnelles”.