Joseph Viola portant l'emblème des bouchons lyonnais

Souvenirs de Joseph Viola : La véritable histoire des bouchons lyonnais


« La cuisine de bouchon est une cuisine de marché et régionale. C’est une cuisine de partage et de convivialité. C’est une cuisine qui me ressemble ! »

L’amour du chef Meilleur Ouvrier de France Joseph Viola pour la gastronomie lyonnaise n’est plus à prouver. En effet, il possède trois bouchons lyonnais ainsi qu’une épicerie comptoir Daniel & Denise. Il ne fait donc aucun doute que la cuisine canaille coule dans ses veines.

Mais se pose alors une question, quelle est la véritable histoire des bouchons lyonnais ?

Son créateur : le mâchon

Les bouchons lyonnais sont connus de tous à travers le monde. Mais très peu de personnes peuvent se vanter d’en connaître les origines. 

Pour ce fait, il faut remonter au XIX° siècle, au temps des ouvriers tisserands de la soierie lyonnaise : les canuts. Ces derniers habitaient et travaillaient à la Croix-Rousse. Leur nom provient de la canette, ce dévidoir à fil en bois à bout ferré, qu’ils utilisaient sur les machines à tisser.

Les canuts commençaient leur journée très tôt le matin. De ce fait, ils avaient mis en place des mâchons. Le mâchon est un casse-croûte ayant lieu en début de matinée. Généralement aux alentours des 9/10h.

Ces en-cas, étaient constitués de cochonaille de toutes sortes, arrosée de beaujolais. La plupart du temps, ils se tenaient dans un bistrot. Mais également, chez un marchand de vin ou bien encore dans l’atelier même des canuts.

Depuis, les mâchons sont devenus une véritable tradition lyonnaise.

Cette tradition s’est figée dans le temps une fois les toutes premières Halles de Lyon.  Elles sont construites à Cordeliers, en 1859. Ainsi, elles deviennent des lieux de rendez-vous d’affaire entre les différents corps de métiers de l’artisanat.

INTÉRIEUR D’UN TISSEUR DE SOIE. (IN LE MONDE ILLUSTRÉ, 3 MARS 1877) @feratm
LA CRISE LYONNAISE. INTÉRIEUR D’UN TISSEUR DE SOIE. (IN LE MONDE ILLUSTRÉ, 3 MARS 1877) @feratm

Les premiers bouchons lyonnais

Les premiers bouchons lyonnais voient le jour afin de répondre aux attentes de ces canuts. En effet, ils proposent de la bonne boustifaille, accompagnée du traditionnel pot lyonnais.

Toutefois, plusieurs significations au mot “bouchon” sont données :

  • Pour le bouchon des bouteilles de vin.
  • Pour le métier des cabaretiers. Ils servaient du vin et de la nourriture contre de l’argent. Ils étaient identifiés par un bouquet de lierre ou de genêt suspendu.
  • Pour la botte de paille mise à disposition des chevaux à l’extérieur des auberges. On disait donc qu’ils bouchonnaient.

Pour commencer, ils s’installent à la Croix-Rousse afin d’être au plus proche des canuts. Ces établissements sont l’apanage des couples. En effet, on y retrouve généralement la femme derrière les fourneaux, et le mari en salle, également en charge du vin.

Vue aérienne des Halles qui s’étendaient des Cordeliers jusqu’à la rue Gentil
Vue aérienne des Halles qui s’étendaient des Cordeliers jusqu’à la rue Gentil – Éditions aériennes CIM (Archives BML)

Les mères lyonnaises

À l’origine, ces cuisinières ne font que cuisiner les restes de la veille, afin d’éviter le gaspillage. Peu à peu, elles deviennent des gastronomes hors paires. C’est ainsi que la légende des mères lyonnaises commence.

Ces femmes, après avoir travaillé dans les cuisines bourgeoises, font le pari risqué de se mettre à leur compte. L’histoire retiendra la Mère Guy comme pionnière de ce mouvement avec sa guinguette au bord de la Saône. Cette dernière avait pour spécialités le brochet et l’anguille.

Mais la plus célèbre de ces mères lyonnaises restera à tout jamais Eugénie Brazier. En effet, ses deux restaurants à Lyon étaient incontournables. Par la suite, elle a reçu la distinction ultime de trois étoiles par le Guide Michelin. De ce fait, elle fût la première femme distinguée de la sorte.

Ces femmes étaient connues pour leur caractère bien trempé. On pensera à la Mère Léa et son caddy de course incroyable “Attention, femme faible mais grande gueule”. Alors qu’elles étaient invisibles à leur époque, elles sont devenues l’emblème de la gastronomie lyonnaise. Une cuisine conviviale et de partage.

La mère Brazier dans ses cuisines avec Paul Bocuse
La mère Brazier dans ses cuisines avec Paul Bocuse - LyonMag -Photo DR

Alors que la cuisine canaille repose sur des plats populaires, désormais les plus grands chefs s’amusent à les sublimer.
Le but étant de rendre hommage à ces femmes incroyables. L’envie de faire perdurer cette tradition du mâchon et du bouchon lyonnais, entraînera de nombreuses belles choses. Comme par exemple la création des Toques Blanches Lyonnaises. Ou encore la présence Chef Meilleur Ouvrier de France étoilé Mathieu Viannay dans les cuisines de la Mère Brazier. Sans oublier la possibilité de mâchonner comme au temps des canuts chez le Chef Meilleur Ouvrier de France Joseph Viola.

Mais cette volonté de promouvoir la gastronomie lyonnaise ne s’arrête pas là.

L'association des Bouchons Lyonnais

Afin de sauvegarder et pérenniser la tradition culinaire des bouchons lyonnais, un regroupement de restaurateurs a créé le label “Les bouchons lyonnais”. Mené par Christophe Marguin, ce label est donc garant de l’authenticité et de la qualité de l’établissement. Car comme expliquent ses créateurs, “bouchons lyonnais” n’étant pas une marque déposée, tout le monde peut s’en prévaloir.

L’Association des bouchons lyonnais a donc pour objectifs :

  • Le développement économique des bouchons lyonnais.
  • Promouvoir, de sauvegarder et de pérenniser la gastronomie lyonnaise des bouchons lyonnais.
  • Faire rayonner la gastronomie lyonnaise au national comme à l’international.
  • Contribuer à l’activité touristique de la région lyonnaise.

Petite anecdote pour briller en soirée. Leur logo représente Gnafron. Il est le meilleur ami de la marionnette emblématique de Lyon Guignol. Ce dernier est le symbole même du bon vivant à la lyonnaise. Il aime manger et boire, le tout dans la bonne humeur, d’où son nez rougeoyant.

Logo de l'Association des Bouchons Lyonnais représentant Gnafron
Logo de l'Association des Bouchons Lyonnais

Le Prix Gnafron

Gnafron est également une haute distinction culinaire de la région lyonnaise : le Prix Gnafron.

Créé en 1964 par un groupe d’amis oscillant entre journalistes et gastronomes. Il est notamment composé du critique d’art René Deroudille et du chroniqueur Félix Benoît. En outre, il vise à récompenser les établissements qui ont à coeur de préserver la tradition lyonnaise. Et ce, au travers de la cochonnaille et des vins en pots. Ce “Nobel du vin et de la mangeaille lyonnaise” récompense des figures emblématiques de la gastronomie lyonnaise. On notera Léa Bidaut en 1965 et Paul Bocuse en 2000.

De plus, un fait notable dans l’histoire de ce véritable Prix Nobel est à relever. Daniel Léron, chef Meilleur Ouvrier de France 1976 et créateur du bouchon Daniel & Denise, fût également distingué de ce prix en 1999.

Après quatre décennies de prix décernés, l’association prend fin en 2004. Elle se fait un adieu des plus symboliques par un énorme festin au bouchon lyonnais “Comptoir des Marronniers”.

Paul Bocuse,
[Paul Bocuse, "honoris causa" du Mérite de Gnafron] / Marcos Quinones, 26 juin 2000. BML.

Le bouchon Daniel & Denise

Cette même année, le chef Meilleur Ouvrier de France Joseph Viola reprend le bouchon lyonnais Daniel &Denise. Après un mois de collaboration derrière les fourneaux entre Joseph Viola et Daniel Léron, la passation est effectuée. Désormais, c’est au jeune chef que revient l’honneur de faire briller la gastronomie lyonnaise.

Joseph Viola prend la décision de conserver le nom de l’enseigne ainsi que son écrin d’origine. Cet endroit est hors du temps. La décoration y est authentique avec ses nappes à carreaux et verres ballons sur des tables en bois, ses cuivres, ses faïences, ses photos sur les murs. C’est un véritable retour en enfance ! La cuisine se compose de plats typiques, simples et préparés à base de produits frais et locaux. Et bien évidemment, elle est toujours accompagnée de l’indispensable pot lyonnais.

Joseph Viola et Daniel Léron dans les cuisines de Daniel & Denise
Joseph Viola et Daniel Léron dans les cuisines de Daniel & Denise - Photo de Matthieu Cellard

« Le nouvel enjeu des bouchons lyonnais est de savoir s’adapter. S’adapter aux nouvelles envies des clients, tout en respectant les traditions et la qualité des produits ! »

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